Tri Yann

Titres et paroles de l'album :
Tri Yann
Tri YannAu pied d'un rosier
Tri YannLe vieux laudia
Tri YannKalonkadour
Tri YannCantic war sujet an anaon
Tri YannWith a bing-Tow-Row-Row
Tri YannLa petite Perrine, la marchande de coccinelles
Tri YannLes pailles d'or brisées
Tri YannSur la fosse au boulot
Tri YannCad e sin don te sin
Tri YannGalvadeg en tri kant mil soudard
Tri YannAn distro euz a vro - zaoz
Tri YannKerfank 1870
Tri YannGuerre, guerre, vente, vent
Tri YannKan an kann
Tri YannChanson à boire
Tri YannNoel guerandais
Tri YannLe temps du jour de l'an
Tri YannSong for ye, Jacobites
Tri YannMarche en sol
Tri YannLa ballade du cheval mallet

Tri Yann
Au pied d'un rosier
- Extrait de l'album Tri Yann an Naoned (1972)-
Chanson traditionnelle


C'est dans dix ans, je m'en irai dit au pied d'un rosier,
Dans dix ans ans, je m'en irai dit au pied d'un rosier,
Dit au pied d'un rosier, au pied d'une rose,
Au pied d'un rosier, mon cœur s'y repose.

Et dans neuf ans, je m'en irai dit au pied d'un rosier,
Dans neuf ans ans, je m'en irai dit au pied d'un rosier,
Au pied d'un rosier, au pied d'une rose,
Au pied d'un rosier, mon cœur s'y repose.

Et dans huit ans, ...

Tri Yann
Le vieux Laudia Tri Yann Tri Yann Tri Yann
- Extrait de l'album Urba (1978) -
Tri Yann/Traditionnel
Pour les urbains que nous sommes, beaucoup des textes de nos chansons populaires, hors de leur contexte rural et historique, n'ont d'autre intérêt que la poésie de leur naïveté. Quant aux musiques, toujours actuelles, elles deviennent souvent en Bretagne depuis une vingtaine d'années un support privilégié pour l'expression de préoccupations plus contemporaines.
Témoin cette ronde de l'Oust, dans laquelle nous évoquons la mort lente de nos campagnes et leur mutation en banlieues ou parcs résidentiels pour le meilleur profit des promoteurs. Nous avons employé ici des expressions particulières au Gallo, la seconde langue traditionnelle de Bretagne, d'origine romane, dont l'avenir est encore plus incertain que celui du Breton, d'origine celtique.


Le vieux Laudia s'est endormi là-bas dans sa campagne,
Mais il n'a pas toujours dormi, il a fait un village.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Il a dormi pendant sept ans, sept ans sans qu'il s'éveille.
Sa femme autant qu'il a dormi elle s'en fut à la messe.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Dedans la ferme de Laudia y'avait trois jolies filles,
L'une après l'autre sont parties pour aller à la ville.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Après deux ans le fils partit dans la lointaine Afrique,
Il est parti comme sergent, reviendra Capitaine.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Après trois ans par ci par là un marchand de la ville,
Dans le chemin qu'il a passé, l'herbe elle devint grise.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Il a coupé le pommier d'Août que les pommes sont aigres,
Mais que le cidre était si doux que l'eau de la fontaine.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

A la fontaine l'eau coulait. C'était l'eau de la vie.
Mais la source n'a plus coulé quand le marchand vint bouère.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Il prit le lard dans le charnier et le vin dans la cave.
Il en fit des paquets dorés pour les vendre à la ville.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Il fit des maisons dans les champs de cinq à six douzaines,
Toutes d'à rang et trois par trois, toutes blanches de même.
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Le vieux Laudia s'est endormi là-bas dans sa campagne,
Après sept ans s'est éveillé : le village était ville...
Y'a du par-dessous là-dessous.
Y'a du par-dessous par là.

Tri Yann
Cantic war sujet an anaon
- Extrait de l'album le vaisseau de pierre (1988) -
Traditionnel/Tri Yann
Entendu des trépassés de Tréhoët au cours de leur pardon étrange dans la nuit du 14 au 15 Février 1988.


An Tad ar Mab ar Spered Glan
Yerc'hed mab d'hoch tud ar vro-man
Yerc'hed mab d'hoch war boez hor pen
Ni zo en tan en anken

Eul linser wenn ha pemp planken
Eun dorchen blouz dindan ho pen
Pemp troated douar war c'horre
Setu madon ar bed er bez

Ma map ma merc'h c'hwi zo kousket
War ar plun dous ha blod meurbed
Ha me ho tad ha me ho mamm
Er purkator e-kreiz ar flamm

Breuder kerent ha mignoned
Hor silaouet en han Doue
An tad ar Mab ar Spered Glan
Au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit
Bonne santé à vous, gens de ce pays
Nous vous souhaitons une bonne santé
Nous sommes dans le feu de l'angoisse

Un drap blanc et cinq planches
Un bourrelet de paille sous la tête
Cinq pieds de terre par dessus
Voilà les seuls biens de ce monde qu'on emporte au tombeau

Mon fils, ma fille, vous êtes couchés
Sur des lits de plume bien doux
Et moi votre père, et moi votre mère
Dans les flammes du purgatoire

Frères, parents et amis
Ecoutez-nous au Nom de Dieu
Au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit

Tri Yann
With a bing-tow-row-row
- Extrait de l'album le vaisseau de pierre (1988)-
Tri Yann
Dans leur colère, les marins de Tréhoët ont composé cette chanson sur l'horrible Maurice Pégrouillot et son projet.


And we rant and we roar with a Bing-tow-row-row
Derry down derry boys derry Oh !
And we hope and we howl with a bing-tow-row-row
Derry down down derry Oh derry Oh !

Il saborde nos bateaux par le devant par le dos
Il se soûle au wisky, au bordeaux,
Et il paye ses grouillots à grands coups de croquenots,
So the winds will blow…

Il veut faire des gratte-ciel sur la plage de Goënno
Pour y foutre les gonzesses des blaireaux
A se faire dorer les fesses et les tremper dans l'eau,
When the winds will go…

Tu verras Pégrouillot on brûlera ton rafiot,
On te foutra à l'eau d'un canot,
On taillera dans tes os des piques à bigorneaux,
When the winds will blow…

Tri Yann
La petite Perrine, la marchande de coccinelles
- Extrait de l'album Belle et Rebelle (1990) -
(Paroles et musique de Tri Yann)
Marchande des rues entre les deux guerres, la " Petite Perrine " vendait des coccinelles en métal au bout d'un élastique.


Voilà la marchande de coccinelles en fer laqué, avec son petit chignon tiré et ses bestioles rouges à pois noirs sur le pavé, au bout d'un bout de ficelle dorée. Voilà la Perrine avec sa jupe raccommodée, son chemisier moche et démodé, et sa paire de grolles avec ses semelles toutes décollées, récupérées dans des vieux pneus.
- Bête à Bon Dieu, monte au ciel, tu me garderas une place.
- Bête à Bon Dieu , monte au ciel dans un ballon doré.

Perrine elle dit qu'elle a été Reine de beauté avant que d'être championne de plongée. Même que le Roi de Zanzibar voulait l'épouser quand il s'est fait assassiner.
- Bête à Bon Dieu, monte au ciel, tu me garderas une place.
- La petite Perrine, la petite Perrine, ça rime avec…

On dit que Perrine avait un frère en Amérique qui était banquier chez les Indiens. Il paraît qu'elle a hérité d'un million de dollars qu'elle aurait planqué sous son plumard.
- Bête à Bon Dieu, monte au ciel, tu me garderas une place.
- Bête à Bon Dieu , monte au ciel dans un ballon doré.

Tri Yann
Les pailles d'or brisées
- Extrait de l'album Belle et Rebelle (1990)-
Tri Yann
La correspondance d'une ouvrière de l'usine Lefèvre-Utile durant la Grande Guerre : la mobilisation, le printemps 1915, les hivers 1916 et 1917.
De nombreux nantais gardent le souvenir des parfums de framboise qui s'échappaient de la biscuiterie et des " Pailles d'or " manquées que les ouvrières rapportaient à la maison dans des pochons de papier kraft.


Un mois à peine que le train t'a enlevé, septembre ramène les premiers blessés. J'ai eu ta lettre de dimanche ce matin, elle me rassure à peine mais c'est déjà bien. Demain te porte dans une boite à souliers, fermée d'un raphia et d'un papier ciré , des rigolettes* des gauloises et mes pensées, une écharpe de laine et des Pailles d'or brisées.

Dans les Ardennes, quel temps fait-il ? On ne sent pas la guerre en ville. Ta mère passe nous voir souvent, Mélanie va percer ses dents…

Trente deux semaines que la guerre est déclarée, tu dis que la relève va bientôt arriver. Trouve ici-même un bon de poste à deux cents sous*; pardonne-moi mon Pierre, je n'ai pas beaucoup. J'ai lu dans Le Phare* hier matin que la paix n'est plus très loin. Prends garde à toi, reste bien prudent, Mélanie marche maintenant…

Mille neuf cent seize, mardi quinze février, et je suis sans nouvelles depuis le 20 janvier. Le temps me pèse et ta mère est alitée ; ton cousin Charles-Emile est à Nantes, blessé. Le vent t'emporte dans une boite à biscuits du savon-dentifrice et un gâteau de riz, des cigarettes et un peu de vrai café, mes pensées, mes "je t'aime" et des Pailles d'or brisées.

Le beurrre nous manque depuis jeudi : l'usine est au ralenti*. Le fils Le Gwenn aurait déserté, on dit qu'ils l'auraient fusillé !

Mes larmes coulent dans le fond de l'encrier, mes lèvres s'arrachent sur la papier gommé. Trouve en ces mots ma tendresse et mes pensées, mes baisers, mes "je t'aime" et des Pailles d'or brisées.

Rigolettes : bonbons de la confiserie Bohu
200 sous : mandat correspondant à 2 journées de salaire
Le Phare : quotidien nantais
NB : La production de l'usine LU diminua entre 1914 et 1921 en raison du choix du maintien de la qualité malgré les difficultés d'approvisionnement.

Tri Yann
Sur la fosse au boulot Tri Yann Tri Yann Tri Yann
- Extrait de l'album Belle et Rebelle (1990)-
Bordé d'hôtels du XVIIe et du XVIIIe siècle en partie détruits par les bombardements de septembre 1943, le quai de la fosse symbolise l'âge d'or du port de Nantes. L'activité portuaire s'est ensuite étendue en aval sur le quai Renaud, avant de se développer vers Saint Nazaire et sur l'île Beaulieu à l'écart du centre ville.
Le refrain est inspiré d'un chant de bergers de Cornouaille.


- O lo lé, ô lo lé, oh ! O lo lé ! O lo lé ! O lam da di, ô la la !
- Oh, hisse et oh !

On débarque en vrac des bateaux la réglisse et le coco, le girofle de Davao, les bananes de San Pedro. On décharge en chariots, en billes, en planches, en plaques, en panneaux, l'okoumé de Bornéo, l 'acajou du Congo.
On débarque en sac sur le dos le café, le cacao, le riz, le thé de Macao, le souffre de Bilbao.

Tout le jour on se crève la peau, et quand vient le soir on se brûle les boyaux : le vin, le rhum coulent à flots dans tous les caboulots. On gueule, on fume dans les bistrots, on traîne avec les filles à matelots. Quand vient le matin, sans repos, on reprend les vélos. On repart sur la Fosse au boulot. On dessoûle dans les entrepôts…

On embarque en canot, au fond des cales, à bord des paquebots, du vin, du sucre en tonneaux, des gigots, des fayots. On débarque sur le quai Renaud les veaux, les peaux, les chevaux, la canne et les noix de coco, les piments de Marajo, le blé, la laine, la chaux, l'étain, le cuivre de Callao, le fer de Valparaiso, le plomb de Coquimbo.

On décharge en caisses, en cageots, les oranges de Curaçao, la cannelle de Porto Rico, la vanille et l'indigo. On débarque les cargos, le vin de Porto, le zinc de Vigo, le tabac de Santiago, le charbon de Glasgow.

Tri Yann
Cad e sin don te sin Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Chanson traditionnelle.
- Extrait de l'album Suite Gallaise (1974) -
Folk irlandais en gaélique : "Si je dépense mon argent, si je me nourris de pommes et de noix et m'étends sous un arbre, si je me soûle avec mes amis, si je suis heureux de vivre dans une étable, ça ne regarde personne d'autre que moi..."

Má théimse chuig áirnéal is rince is spórt.
Chuig aonach is rásaí's gach cruinniú dan tsórt,
Má tím daoine súgach's má bhím súgach leo,
0, cad é sin don té nach mbaineann sin dó ?

Má théim'na coille craobhaí, 'cruinniú sméara nó cnó,
'Bhaint ulla de ghéaga nó bhuachailleacht bó ;
Má shínim seal uaire faoi chrann' deanamh só...

Chuaigh mé chun aonaigh is dbiol mé mo bhó
Ar chúig phunta airgid's ar giní bhuí óir;
Má ólaim an t-airgead's má bhronnaim an t-ór...

Deir daoine go bhfuil mé gan rath is gan dóigh,
Gan earra ná eadáil, gan bólacht nó stór,
Má tá mise sásta' mo chónai i gcró...

Tri Yann
La levée des 300.000 hommes Tri Yann Tri Yann Tri Yann
- Extrait de l'album la Découverte ou l'Ignorance (1976) -
Les paroles de cette chanson, mises sur un air de cantique expriment le refus de la conscription des paysans du centre de la Basse-Bretagne.

L'histoire officielle décrit souvent la chouannerie comme une réaction monarchiste et catholique à la Révolution, soulèvement populaire monté par quelques nobliaux et trafiquants de sel.
La chouannerie est en fait le détournement de la réponse populaire armoricaine à l'ordre de levée d'une armée de 300.000 hommes lancé par la convention en 1973, alors que les Bretons avaient déjà mal accepté l'autoritarisme des nouvelles administrations cristallisé par la constitution civile du clergé.
Les motifs réels de la révolte sont clairement inscrits dans les manifestes des paysans insurgés à l'ouest de Nantes : refus de la conscription et de la livraison à l'armée de bêtes et du matériel nécessaires au travail de la terre, exigence de la liberté de culte.


Chéleuet tud iaouank hag er ré goh eué,
Ur kantik zou zaoùet ur kantik a neué.

Abahr é Langonnet é houlenner pearzek,
Pear aral a Vregel ha seih ag er Fauet.

Huélet er soudarded é tichen ag er ru,
Lod anehé é glas ha lod aral é ru.

En dar'n ou deulegad é tonet dou glubo,
Er glahar'n ou halon é kuittat ag ou bro.

Shervijein en Nasion zou un dra disoursi,
Kalon er Vretoned zou lan a velkoni.
Ecoutez jeunes gens et vieilles gens aussi,
Un cantique nouveau a été composé.

On en avait demandé quatorze de Langonnet,
Quatre autres de Brezel et sept du Faouët.

En voyant les soldats descendre la rue,
Une partie d'entre eux en bleu et le reste en rouge.

Les larmes de leurs yeux venaient les mouiller,
Ils avaient le chagrin au cœur en quittant leur Pays.

Servir la nation est chose désagréable,
Le cœur des Bretons est plein de chagrin.


Tri Yann
Ann distro euz a Vro-zaoz Tri Yann Tri Yann Tri Yann
- Extrait de l'album Urba (1978) -
Traditionnel/Bernard Baudriller
L'histoire de Silvestik, chevalier Breton et mercenaire de Guillaume le Conquérant qui avait promis une forte solde et le pillage de l'Angleterre à ceux qui l'accompagneraient dans sa conquête. Brian et Alan, fils du Comte Eudes et de la "Duchesse" Edwije, menaient le contingent Breton.
Cette chanson, publiée dans le Barzaz Breiz en 1841, aurait été composée à l'époque de la conquête.


Etre parrez Pouldergat ha parrez Plouare,
Ez euz tudjentil iaouang o sevel eunn arme
Evit monet d'ar brezel, dindan mab ann Dukez,
En deuz dastumet kalz tud euz a beb korn a Vreiz;

Evit monet d'ar brezel, dreist ar mor, da Vro-zoz.
Me'm euz ma mab Silvestik e ma int ouz he c'hortoz,
Me'm euz ma mab Silvestik ha n'em euz nemet-han
A la da heul ar strollad, gand marc'heien ar ban.

Evit monet d'ar brezel, dindan mab ann Dukez,
Evit monet d'ar brezel, dreist ar mor, da Vroz-zoz.

Eunn noz e oann em gwele, ne oann ket kousket mad,
Me gleve merc'hed Kerlaz a gane son ma mab;
Ha me sevel em'c'haonze raktal war ma gwele :
- Otrou doue ! Silvestik, pelec'h oud-de breme ?

Marteze em oud ouspenn tric'hant ieo deuz va zi
Petolet barz ar mor braz d'ar pesked da zibri;
Mar kerez bea chommet gant da vamm ha da dad,
Te vize bet eureujed breman, eureujed mad;

Achuet oa ann daou vloaz, achuet oa ann tri :
- Kenavo d'id, Silvestik, ne n'az gwelinn ket mui;
Mar kaffenn da eskern paour tolet gand ar mare,
Oh ! me ho dastumefe hag ho briatefe...

Ne oa ked he c'homz gant-hi, he c'homz peurlavaret,
Pa skoaz eul lestr a Vreiz war ann ot, hen koliet,
Pa skoaz eul lestr a Vro penn-da-benn dispennet,
Kollet gant-han he raonnou hag he wernou breet.

Leun a oa a dud varo ; den na ouffe lavar,
Na gout pe gelt zo amzer n'en deuz gweiet ann douar.
He Silvestik ao eno, hogen na mamm na tad,
Na mignon n'en doa, siouaz ! karet he zaou-iagad'.

Entre la paroisse de Pouldergat et celle de Plouaré, il y a deux gentilshommes qui lèvent une armée sous les ordres du fils de la Duchesse, qui a rassemblé beaucoup de Bretons pour aller à la guerre au Pays des Saxons. J'ai mon fils Silvestik qui part avec la troupe.
Une nuit que je ne dormais pas, j'entendis les filles de Keriaz chanter la chanson de mon fils. "Seigneur Dieu, Silvestik où es-tu maintenant ?Peui-être à plus de trois cents lieues d'ici, ou jeté en pâture aux poissons. Si tu avais voulu rester près de ta mère et de ton père, tu serais bien marié maintenant." Deux ans, trois ans s'écoulèrent, ''Adieu Silvestik, je ne te verrai plus : si je trouvais tes pauvres os jetés par la mer au rivage, je les recueillerais, je les baiserais." Elle n'avait pas fini de parler qu'un vaisseau de Bretagne, fracassé de l'avant à l'arrière, se brisa contre les rochers, sans rames et les mâts rompus...
II était plein de morts. Nul ne saurait dire depuis combien de temps il n'avait vu la terre. Et Silvestik était là, mais ni père ni mère ni ami n'avait fermé ses yeux.


Tri Yann
Kerfank 1870 Tri Yann Tri Yann Tri Yann
- Extrait de l'album Urba (1978) -
Le 4 septembre 1870, suite à la capitulation de Napoléon III devant Guillaume 1er de Prusse, la République est proclamée en France. Gambetta organise la "défense nationale". Les mobilisés des cinq départements bretons forment une "Armée de Bretagne", au statut étrangement avancé, voire autogestionnaire puisqu'il prévoyait même l'élection des chefs par la base. En fait, le gouvernement spéculait sur ce qu'il appelait "l'esprit de clocher breton" et sur l'ardeur au combat que susciterait pour des combattants peu francisés le fait de monter au feu tous ensemble groupés derrière leurs propres drapeaux.
Le pouvoir central craignit rapidement de s'être doté d'une arme à double tranchant, et le Comte de Kératry, mis à la tête de cette armée, fut immédiatement et sans motif tangible soupçonné d'intentions séparatistes. Gambetta n'arma jamais les bretons, jugeant plus prudent de les envoyer croupir dans un camp insalubre, près de Conlie dans la Sarthe. Des centaines de mobilisés moururent en quelques mois de faim, de froid et de maladie dans ce qu'ils surnommèrent "Kerfank", la ville de boue. Les réclamations incessantes de Kératry furent le prétexte à son remplacement par le Gal De Marivault, jugé plus sûr et placé sous la dépendance de Chanzy, chef de l'Armée de la Loire.

Le premier couplet de cette chanson fait allusion à la prise de commandement de Marivault: alors qu'il passait en revue des soldats bretonnants criant "d'ar ger, ma général, d'ar ger! ", il loua leur ardeur à vouloir partir à la guerre... ignorant qu'en breton, d'ar ger ne veut pas dire à la guerre, mais à la maison.
Visiblement moins breton que Kératry, Marivault fut pourtant à son tour soupçonné de nationalisme. Le bras droit de Gambetta, Charles de Freycinet, choisit de faire massacrer plus de cent de ses hommes, toujours désarmés, par les Prussiens. Il put ensuite ainsi lui reprocher cyniquement son "incompétence" et faire casser le chef breton.
Une commission d'enquête réhabilitera discrètement Kératry et Marivault à la fin de la guerre. Quant a Gambetta, il deviendra président de la Chambre en 1879, et succèdera comme président du Conseil à Charles de Freycinet, Académicien français...


Général, ma Général d'ar ger,
D'ar ger ma Général,
D'ar ger n'eo ket d'ar brezel,

Général, ma Général d'ar ger,
D'ar ger ma Général,
Ma Kaer de Marivault.

En habit et jabyot doré,
Tu nous vois d'en haut,
Vive la Prusse et la France;
Le cul nu, tout dépenaillés,
On te voit d'en bas,
A bas Guillaume et Chanzy.

'Poléon, tu nous avais dit :
- Jamais les Prussiens
Ne verront la capitale.
'Poléon nous en a menti :
Les Prussiens l'ont pris,
Guillaume est devant Paris.

Ventre rond, le gilet brodé,
Tu nous vois d'en haut,
Vive la Prusse et la France ;
Varioleux, le ventre affamé,
On te voit d'en bas,
A bas Guillaume et Chanzy.
Freycinet, tu nous avais dit :
- Oubliez d'être bretons,
Vous servez la République,

Freycinet, tu nous avais dit :
- Oubliez d'être bretons,
Battez-vous pour la Nation.

Bien au chaud, en souliers cirés,
Tu nous vois d'en haut,
Vive la Prusse et la France;
Dans la neige, en sabots crottés,
On te voit d'en bas,
A bas Guillaume et Chanzy.

Keratry tu nous as donné
Des biscuits salés,
De la goutte et des cartouches,
Keratry, tu nous as donné
Des biscuits moisis,
De la goutte et des fusils

Des cartouches qui nous pètent au nez,
Des fusils rouillés,
Vive la Prusse et la France;
Les cartouches elles nous pètent au nez,
La goutte est mouillée,
A bas Guillaume et Chanzy.

Gambetta nous avait promis
Qu'on serait bientôt
Libérés dans nos campagnes...
Gambetta, tu nous a menti :
Tu nous tiens parqués
Dans la boue devant Conlie.

Féniassant de fauteuils en lits
Tu nous vois d'en bas,
Vive la Prusse et la France;
Gambetta, tu nous a trahis,
On te voit d'en haut,
A bas Guillaume et Chanzy.

Tri Yann
Guerre, Guerre, Vente, Vent
Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Jean-Paul Jehanno-Tri Yann
- Extrait de l'album Le soleil est vert (1981) -

Après sept années de guerre,
Sept années de bâtiment.
Je reviens de Grande-Terre,
Je reviens à Lorient.
Je reviens de Grande-Terre,
Guerre guerre, vente vent.

J'ai passé des nuits entières
Debout au gaillard d'avant.
Sous bons vents, sous vents contraires,
Sous la brise ou les brisants.

Voyez mon sac de misère
Lourd de coups, vide d'argent.
Allez dire au Capitaine
J'ai obéi trop souvent !

Bonjour ma mie qui m'est chère,
Revoilà ton cher amant.
Je suis las de trop de guerres
Sans voir grandir mes enfants.

J'ai reçu tes mille lettres
Par le rossignol chantant.
Je t'écrivais moins peut-être,
Je t'envoyais des rubans.

Mes amis plus que naguère,
Vous me verrez bien souvent,
Après tant d'années de guerre,
J'aurai tant et tant de temps.

De l'Orient à Grande-Terre,
Vent arrière, vent avant,
Les fleurs d'hiver étaient belles,
Elles annonçaient le printemps.

Tri Yann
Chanson à boire
Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Traditionnel
- Extrait de l'album Le café du bon coin (1983) -

Qui veut chasser une migraine
N'a qu'à boire toujours du bon,
Et maintenir la table pleine
De cervelas et de jambon.

L'eau ne fait rien que pourrir le poumon,
Boutte, boutte, boutte, boutte compagnon,
Vide-nous ce verre et nous le remplirons.

Le vin goutté par ce bon père
Qui s'en rendit si bon garçon
Nous fait discourir sans grammaire
Et nous rend savants sans leçon...

Loth buvant dans une caverne
De ses filles enfla le sein,
Montrant qu'un sirop de taverne
Passe celui d'un médecin...

Buvons donc tous à la bonne heure
Pour nous émouvoir le rognon,
Et que celui d'entre nous meure
Qui défiera son compagnon...

Tri Yann
Song For Ye, Jacobites
Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Traditionnel
- Extrait de l'album Anniverscène (1985) -

Ye Jacobites by name, lend an ear,
Your faults I must proclaimed,
Your doctrines I maun blame,
You will hear !

What is right and what is wrong, by the law,
A short sword or a long,
A weak arm and a strong,
For to draw.

What makes heroic strife, famed afar,
To whet the assassin's knife,
Or hunt a parent's life,
With bloody war !

So let your schemes alone, in the state,
Adore the rising sun,
And leave a man undone,
To his fate...

Tri Yann
La ballade du cheval Mallet
- Extrait de l'album Anniverscène (1985) -
Traditionnel/Tri Yann


Dans la vitrine, carcasse éclatée,
Crinière grise et robe déchirée,
Petit cheval, de papier, de chiffon,
Dors sous la cendre de mille saisons.

Parfum de fête, souvenirs secrets,
Brume légère au-dessus des marais,
Cheval de bois, de chiffon, de regrets,
Teint porcelaine des filles de Mai.

Tu te souviens ces matins de printemps,
Les marguilliers te couvraient de rubans,
Cheval d'amour, de folie, d'évasion,
Danse païenne, tambours et chansons...

Dans la vitrine, peinture écaillée,
Robe sanguine et tignasse arrachée,
Petit cheval, de carton, de chagrin,
Pour toi je crois à un autre matin.

Eveille-toi de la nuit du passé,
Relève-toi des siècles englués,
Cheval d'argent, destrier triomphant,
Renais au siècle nouveau qui t'attend ;
Cheval ardent, destrier flamboyant,
Renais au siècle qui vient maintenant.