Tri Yann
Titres de l'album :

Tri YannLe Renard
Tri YannGwerz Jorj Courtois
Tri YannFavet netptunus eunti
Tri YannLe tourdion des manants
Tri YannLes Pailles d'or brisées
Tri YannProduced and bottled in Nantes
Tri YannKorydwen et Le Rouge de Kenholl
Tri YannLa petite Perrine, la marchande de coccinelles
Tri YannSonate de Paul Lamirault
Tri YannSur le fossé au boulot
Tri YannBelle et Rebelle

Tri Yann
Le Renard Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Paroles et musique de Tri Yann
En 937, le duc de Bretagne Alain II, dit " Barbe-Torte " ou " Al Louarn "(le Renard), chassa de Nantes les Normands installés depuis près d'un siècle. La tradition rapporte qu'épuisés et sur le point d'être battus, les guerriers bretons durent la victoire au jaillissement d'une source. Alain Barbe-Torte trouva la ville en ruine. Il affranchis les serfs qui participèrent à sa reconstruction et en fit la capitale de la Bretagne.


La voile claque au vent, le Renard glapit dans le champ, toile rouge au vent, vent de l'ouragan, vent de guerre, loi des géants. La Loire roule sang, le Renard mort à belles dents, boyt le rouge sang, le sang des Normans que la brume noie dans le temps.

Ils ont réduist Vannes en fumée de Noël à saint Jehan, Landevennec et Noirmoustier de Pasques à Saint Laurent, ravagé fermes et vergers, de Dol ont fayt leur camp, fauché le foin, mangé le bley et bu le vin des Francs. Ils ont féri*, ils ont forcé* pucelles et filles en champs. Ils ont pillé Rennes et navré* bourgeois et paysans, deffayt Redon, Redon noyé dans la Vilaine en sang.

J'ai mis le cuir noir et l'acier avec Anglois et clans. Passée la mer, avons marché vers Nantes et ses murs blancs, jeté la lance et reculé du lever au couchant. Ardé* par le feu de l'esté, j'ai bu l'eau du torrent jailli du cœur d'un peuplier dedans le pré d'Anian.

Féri : frappé
Forcé : violé
Navré : blessé
Ardé : brûlé

Tri Yann
Gwerz Jorj Courtois
Tri Yann/Musique Traditionnelle (hanter-dro transformé en complainte).

A la mi-décembre 1985, au cours d'un procès d'assises au palais de Justice de Nantes, l'un des quatre accusés, Georges Courtois, s'en prend au système pénitenciaire : " vous me condamnerez une fois de plus , mais sachez que la prison s'est terminé ! Ça ne me fait plus rien : ni en positif, ni en négatif "
Le 19 décembre, à 10 heures 30, " l'Avocat Général termine son récquisitoire, il est dur … " (Ouest-France du 20/12). Des coups de feu éclatent : un ancien détenu ordonne aux policiers de déposer leurs armes, immédiatement ramassées par Courtois et un co-accusé. Les trois révoltés retiennent alors en otages les magistrats et les jurés.
Utilisant habilement les médias, ils obtiennent le lendemain une camionnette et gagnent l'aéroport. Ils se rendent vers 20 heures : sans conditions selon le commissaire Broussard, contre la promesse de liberté pour celui qui avait déclenché l'opération selon Courtois.


Dans la prison de Nantes il y avait un prisonnier, attendant la sentence mais déjà condamné au silence depuis plusieurs années.

Un matin de décembre, on l'emmène à juger. Un complice à l'audience met en joue le greffier, impose le silence à toute l'assemblée. Le tribunal de Nantes sur l'heure est assiégé. L'accusé parlemente avec les policiers : libère une étudiante, la presse et les jurés.

Les "braves gens" de France l'apprennent à la télé, disent :
- Faut le descendre, le pendre, le brûler !
Dedans les rues de Nantes, s'enfuit le révolté. Il finit par se rendre, n'a pas le sang versé. Il a tenté sa chance, ne l'auriez-vous tentée ?

Et dans l'indifférence, Courtois reste prisonnier.

Tri Yann
Le tourdion des manants Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Tri Yann/Traditionnel

Gourmandons en jour et nuyt montjoyes* de jambons de guerdons et de bresmes, meisme. Dès que fine le convis* n'est que briches* et pain bis. Atrayons-nous au baril, trop longtemps viné* le vin se tourne en esgre, nesgre. De l'Anjou boivons le fruyt de la vigne à l'envi.

Aprez beau temps gros temps, aprez le printemps nous prend la pluye la tempeste et le vent, après l'esté l'autonne et l'hyver qui fine l'an. Aprez le joule temps*, aprez le bon temps nous prend les lermes l'yre* et les tourments, aprez l'enfant l'amant et le père et le viel an.

Sauteries et danseries, festes et galants resjoyent les jouvancelles, ancelles*. Sonneries et chanteries boutent liesse* à la vie. Amons à nostre appetit*, prenons compaignie de la brune Isabelle, belle, la fidèle Virginie, la Margotte jolie.

Gardons nous des roberies*, fuyons les maraudes* et ribaudes* legieres : nous n'en tirerons profist que barasts* et gaschis.

Trop souvent gagne-petit s'en vont à la guerre et n'en reviesnent gaire. Guerroyer n'est que tueries, que diffame* et folie. Le vilain s'esbat* pour luy, mais l'homme gentil* ne s'en mémore gaire. Roys nous tiesnent en tyrannie, en oppresse* et mespritz. Princes, barons et nantis, par vous les manants ont eu trop de molestes*. Cachez vos argenteries vos chevances* et rubis.

Bientost sonnera minuyt, et vos felonies nous les mettrons à chief*, despiecerons vos logis, danserons sur les bris.

Montjoyes : monceaux
Dès que fine le convis : dès que s'achève le festin
Briches : miettes
Viné : mis en tonneaux
Aprez le joule temps : après la jeunesse
L'yre : la tristesse
Resjoyent les jouvancelles, ancelles : réjouissent les jeunes filles et les servantes
Boutent liesse : donnent de la joie
Amons à nostre appetit : aimons à notre gré
Roberies : vols, brigandages
Maraudes : coquines, drôlesses
Ribaudes : débauchées
Barats : tromperies
Diffame : deshonneur
S'esbat : se bat
Gentil : de bonne naissance
Oppresse : souffrance, douleur
Molestes : tourments
Chevances : fortunes, biens
Nous les mettrons à chief : nous y mettrons fin

Tri Yann
Les pailles d'or brisées
Tri Yann
La correspondance d'une ouvrière de l'usine Lefèvre-Utile durant la Grande Guerre : la mobilisation, le printemps 1915, les hivers 1916 et 1917.
De nombreux nantais gardent le souvenir des parfums de framboise qui s'échappaient de la biscuiterie et des " Pailles d'or " manquées que les ouvrières rapportaient à la maison dans des pochons de papier kraft.


Un mois à peine que le train t'a enlevé, septembre ramène les premiers blessés. J'ai eu ta lettre de dimanche ce matin, elle me rassure à peine mais c'est déjà bien. Demain te porte dans une boite à souliers, fermée d'un raphia et d'un papier ciré , des rigolettes* des gauloises et mes pensées, une écharpe de laine et des Pailles d'or brisées.

Dans les Ardennes, quel temps fait-il ? On ne sent pas la guerre en ville. Ta mère passe nous voir souvent, Mélanie va percer ses dents…

Trente deux semaines que la guerre est déclarée, tu dis que la relève va bientôt arriver. Trouve ici-même un bon de poste à deux cents sous*; pardonne-moi mon Pierre, je n'ai pas beaucoup. J'ai lu dans Le Phare* hier matin que la paix n'est plus très loin. Prends garde à toi, reste bien prudent, Mélanie marche maintenant…

Mille neuf cent seize, mardi quinze février, et je suis sans nouvelles depuis le 20 janvier. Le temps me pèse et ta mère est alitée ; ton cousin Charles-Emile est à Nantes, blessé. Le vent t'emporte dans une boite à biscuits du savon-dentifrice et un gâteau de riz, des cigarettes et un peu de vrai café, mes pensées, mes "je t'aime" et des Pailles d'or brisées.

Le beurrre nous manque depuis jeudi : l'usine est au ralenti*. Le fils Le Gwenn aurait déserté, on dit qu'ils l'auraient fusillé !

Mes larmes coulent dans le fond de l'encrier, mes lèvres s'arrachent sur la papier gommé. Trouve en ces mots ma tendresse et mes pensées, mes baisers, mes "je t'aime" et des Pailles d'or brisées.

Rigolettes : bonbons de la confiserie Bohu
200 sous : mandat correspondant à 2 journées de salaire
Le Phare : quotidien nantais
NB : La production de l'usine LU diminua entre 1914 et 1921 en raison du choix du maintien de la qualité malgré les difficultés d'approvisionnement.

Tri Yann
Korydwen et le Rouge de Kenholl Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Tri Yann-musique traditionnelle
Une histoire dans la tradition des gwerziou de Basse-Bretagne. La " gwerz " est un chant à caractère historique ou légendaire, les deux étant souvent mêlés dans un récit toujours dramatique, fréquemment teinté de fantastique, de merveilleux et d'ésotérisme.
Ce voyage de Korygwen est émaillé de nombreuses références à la mythologie irlandaise ou celtique.


Korydwen*, Korydwen, pourquoi t'en être allée au premier jour de mai* de ta quinzième année, fillette païenne, couronnée d'épis de blé*; à la fraîche fontaine, dans le bois aux sorbiers ?

De s'en venir de Vannes trois hommes, trois cavaliers, au Pardon de Sainte Anne s'en allant chevaucher, de Sainte Anne près de Nantes, sur un rocher dressée. Et Korydwen d'entendre les cloches sonner.

Le premier des cavaliers, de pierreries couronné, cheval* blanc* comme est blanc le marbre de Carrare en été :
- A Sainte Anne, belle païnenne, je vous mènerai. Venez venez en selle.
Mais il n'eut achevé que sa peau tombe en lanières sur son corps tout desséché, qu'en chimères de pierre soudain se trouve changé, et ses bras en poussière et en poudre ses deux pieds*. Et de ses cendres grises la fontaine est brouillée.

Plongeant l'épée dans l'ève*, le second des cavaliers rendit claire la source et plus fraîche d'emblée. D'une tortue* la tête ornait son casque d'acier, ses écailles recouvraient sa cuirasse cirée.
- Qui es-tu, dit Korydwen ?
- Batholan le guerrier ! Je suis le fils de Tonkad et de l'océan suis né.
- L'océan ne fait naître que sirène ou bien que sorcier. Au pardon de Sainte Anne jamais ne te suivrai !

De la fraîche fontaine au troisième des cavaliers, Korydwen en sa bouche de l'ève claire a versé :
- Tu es jeune et tes yeux sont de jade émaillés; de quel pays viens-tu sur ta pourpre haquenée ?
- D'où je viens sept moulins tournent dans les vents salés qui font ma barbe rose comme rose du rosier. On m'appelle Le Rouge à Kendholl où je suis née. A Sainte Anne au pardon, je m'en viens pour te mener.

De bondir tous les deux dessus la pourpre haquenée. Sonnaient sonnaient les cloches de vers Nantes au clocher. De chevaucher trois jours et deux nuits sans s'arrêter, sans boire et sans manger, de colline en vallées. Mais Korydwen s'étonne à la troisième soirée :
- Je n'entend plus qu'à peine les cloches sonner.
- Ce n'est rien, dit Le Rouge, mais le vent a dû tourner. Viens, païenne, sur ma couche de paille de blé…

Ils repartent au matin dessus la folle haquenée. Ils traversent des forêts de bois de cerf dressés, plus vertes que sont les algues et que d'Irlande les prés, sans boire et sans manger, trois jours deux nuits sans s'arrêter. Mais Korydwen s'étonne à la sixième soirée :
- Je n'entend plus les cloches du Pardon sonner !
- Tu te trompes Korydwen, tu te trompes ma bien-aimée; c'est le vent qui est tombé. Il est tard allons nous coucher…

Quand Korydwen s'éveille à la septième rosée, elle est seule sur la couche de paille de blé : à la place du Rouge elle découvre à son côté des serpents et un miroir brisé. Et Korydwen d'y plonger son regard pour le croiser, mais le visage qui lui fait face de la faire sursauter : c'est celui d'une vieille femme d'au moins cent et dix années dont des serpents dévorent les pauvres seins déchirés.

Et Korydwen de voir son maigre sang couler, et la terre le boire et sa mort arriver. Et de son ventre froid soudain s'envole un épervier qui plonge dans la Loire, en saumon enchanté…

Korydwen : de Keridwen, nom gallois de Dana, déesse aérienne dont la tribu, le "peuple-fée", envahit l'ancienne Irlande. Divinité semblable à l'Athéna grecque, Dana et son peuple apportaient la sorcellerie, la poésie et l'artisanat . Nommée également Brigantia, elle fut détournée par le christianisme en Sainte Brigitte, patronne des médecins écrivains et forgerons.
1er Mai : fête de la renaissance de la nature, le légende en fait systématiquement le jour du début des premières invasions successives de l'Irlande.
Blé : la moisson, liée au culte solaire, est symbole d'abondance mais aussi de mort comme sa couleur, le jaune.
Fontaine : l'eau, la source sont symboles de régénérescence.
Blanc :le blanc, lié au culte lunaire, est symbole de vie.
L'ève : l'eau en roman ou en dialecte gallo de Haute-Bretagne.
Tortue : symbole de patience, de prudence, de longévité.
Batholan :héros assimilable à Poséidon-Neptunus, initiateur de la première invasion d'origine marine de l'Irlande; il combattit les premiers occupants, d'origine ophidienne, qui gardaient la terre en friche et déclencha l'évolution.
Tonkad : destin
Pourpre : le rouge et le pourpre sont les symboles du passage dans l'autre monde.
Haquenée : Jument autrefois recherchée pour la douceur de son trot comme monture de dame

Tri Yann
La petite Perrine, la marchande de coccinelles
(Paroles et musique de Tri Yann)
Marchande des rues entre les deux guerres, la " Petite Perrine " vendait des coccinelles en métal au bout d'un élastique.


Voilà la marchande de coccinelles en fer laqué, avec son petit chignon tiré et ses bestioles rouges à pois noirs sur le pavé, au bout d'un bout de ficelle dorée. Voilà la Perrine avec sa jupe raccommodée, son chemisier moche et démodé, et sa paire de grolles avec ses semelles toutes décollées, récupérées dans des vieux pneus.
- Bête à Bon Dieu, monte au ciel, tu me garderas une place.
- Bête à Bon Dieu , monte au ciel dans un ballon doré.

Perrine elle dit qu'elle a été Reine de beauté avant que d'être championne de plongée. Même que le Roi de Zanzibar voulait l'épouser quand il s'est fait assassiner.
- Bête à Bon Dieu, monte au ciel, tu me garderas une place.
- La petite Perrine, la petite Perrine, ça rime avec…

On dit que Perrine avait un frère en Amérique qui était banquier chez les Indiens. Il paraît qu'elle a hérité d'un million de dollars qu'elle aurait planqué sous son plumard.
- Bête à Bon Dieu, monte au ciel, tu me garderas une place.
- Bête à Bon Dieu , monte au ciel dans un ballon doré.

Tri Yann
Sur la fosse au boulot Tri Yann Tri Yann Tri Yann
Bordé d'hôtels du XVIIe et du XVIIIe siècle en partie détruits par les bombardements de septembre 1943, le quai de la fosse symbolise l'âge d'or du port de Nantes. L'activité portuaire s'est ensuite étendue en aval sur le quai Renaud, avant de se développer vers Saint Nazaire et sur l'île Beaulieu à l'écart du centre ville.
Le refrain est inspiré d'un chant de bergers de Cornouaille.


- O lo lé, ô lo lé, oh ! O lo lé ! O lo lé ! O lam da di, ô la la !
- Oh, hisse et oh !

On débarque en vrac des bateaux la réglisse et le coco, le girofle de Davao, les bananes de San Pedro. On décharge en chariots, en billes, en planches, en plaques, en panneaux, l'okoumé de Bornéo, l 'acajou du Congo.
On débarque en sac sur le dos le café, le cacao, le riz, le thé de Macao, le souffre de Bilbao.

Tout le jour on se crève la peau, et quand vient le soir on se brûle les boyaux : le vin, le rhum coulent à flots dans tous les caboulots. On gueule, on fume dans les bistrots, on traîne avec les filles à matelots. Quand vient le matin, sans repos, on reprend les vélos. On repart sur la Fosse au boulot. On dessoûle dans les entrepôts…

On embarque en canot, au fond des cales, à bord des paquebots, du vin, du sucre en tonneaux, des gigots, des fayots. On débarque sur le quai Renaud les veaux, les peaux, les chevaux, la canne et les noix de coco, les piments de Marajo, le blé, la laine, la chaux, l'étain, le cuivre de Callao, le fer de Valparaiso, le plomb de Coquimbo.

On décharge en caisses, en cageots, les oranges de Curaçao, la cannelle de Porto Rico, la vanille et l'indigo. On débarque les cargos, le vin de Porto, le zinc de Vigo, le tabac de Santiago, le charbon de Glasgow.

Tri Yann